Énoncées depuis 1992, elles peinent toujours à être organisées, malgré la panoplie des textes et les prévisions financières

 Parmi les mesures indiquées par le président Paul Biya comme ayant été prises dans le cadre de la résolution de la crise anglophone, il y a l’accélération du processus de décentralisation, notamment par l’organisation des élections régionales.

A cet effet, après la formation le 04 janvier 2019 de son premier gouvernement à l’issue de l’élection présidentielle d’octobre 2018, il a tenu l’un de ses rares conseils ministériels le 16 janvier au cours duquel il a prescrit la préparation des prochaines élections législatives, municipales et régionales. L’on sait que 6 mois après cette instruction, il a lui-même signé le 15 juillet 2019 un décret portant prorogation du mandat des maires jusqu’au 29 février 2020. L’Assemblée nationale avait également au cours de la session de juin examiné et validé une consultation du chef de l’Etat camerounais portant prorogation du mandat des députés

La raison officielle évoquée pour justifier ces prorogations était  le besoin d’harmonisation des délais nécessaires à la tenue d’un double scrutin législatif et municipal en 2020, et les projections basées sur le calendrier situent désormais cette échéance au 09 février 2020 au plus tard.

Elections introuvables

Qu’en est-il des élections régionales qui d’après les textes devront consacrer davantage d’autonomie aux régions, et satisfaire au passage certaines revendications, réduisant ainsi les chances de contestation ?

Dans son discours à la nation du 10 septembre 2019, le président Biya a encore fait allusion à ces élections dans son rappel des mesures prises dans la cadre de la résolution de la crise anglophone en ces termes : «Par la suite, des décisions ont été prises pour accélérer le processus de décentralisation, avec en prime la création d’un Ministère dédié. Les prochaines élections régionales serviront à parachever ce processus, en permettant à nos compatriotes, sur l’ensemble du territoire national, de participer pleinement à la gestion de leurs affaires au niveau local. »

Textes…et argent

Avant cela, le chemin vers la tenue de ces élections a été balisé par le Parlement camerounais, qui a  adopté le 30 mars 2019  un projet de loi portant sur la modification du code électoral en vue de l’introduction des élections régionales. L’article 249 notamment  définit le mode d’élection des représentants des départements et du commandement traditionnel au sein des Conseils régionaux. Au cours de la même session parlementaire une autre loi avait été adoptée, fixant le nombre, la proportion par catégorie et le régime des indemnités des conseillers régionaux.

Toujours en lien avec les régionales, le Premier ministre Joseph Dion Ngute a signé le 22 février 2019, un décret portant augmentation de la dotation générale de la décentralisation, de 10 milliards à 50 milliards Fcfa pour le compte de l’exercice budgétaire 2019. La répartition de cette enveloppe réservait, 7 milliards Fcfa à la mise en place effective de Conseils régionaux. Soit 2 milliards Fcfa pour la prise en charge salariale des présidents et des membres de ces collectivités territoriales décentralisées et 5 milliards Fcfa pour leur fonctionnement. Bien avant ces ajustements, la loi de finances 2019 a prévu un budget de 38 milliards Fcfa pour la mise en place effective de ces Conseillers, afin de compléter le dispositif institutionnel de la décentralisation ainsi que le prévoit la Constitution du 18 janvier 1996.

La peur de perdre la main

On pourrait dire avec tout ce dispositif, que tout est fin prêt, mais comme le relevait le journal Mutations dans son édition du 08 août 2019, à quatre mois de la fin de l’année, il y a plutôt un épais brouillard sur les régionales, en tout cas pour ce qui est de cette année 2019. D’abord pour les partis politiques et les organisations de la société civile, après la prorogation du mandat des conseillers municipaux, qui sont membres du collège électoral, les conseillers régionaux ne sauraient être élus par ceux encore en poste, dont le mandat ne va plus durer au-delà de 5 mois. Pour eux il serait juste de renouveler les conseillers municipaux avant les régionales, ce qui donnerait la possibilité à tous les partis politiques de rentrer dans la danse, étant donné qu’à l’état actuel des choses c’est le Rassemblement démocratique du peuple camerounais au pouvoir contrôle la majorité. Sur 10600 conseillers municipaux élus en 2013 en effet, 8685 portent les couleurs du parti de Paul Biya, contre 826 pour le SDF, 163 pour l’Union démocratique du Cameroun (Udc), 19 pour le Mrc,

Ensuite, d’après la loi n°  2006/004 du 14 juillet 2006 fixant le mode d’élection des conseillers régionaux, ces élections sont régies à quelques exceptions près par les mêmes lois que celle qui encadrent les élections des députés et des conseillers municipaux. L’article 86 du Code électoral prévoit à cet effet que l’intervalle entre la publication du décret convoquant le corps électoral et la date fixée pour le scrutin est de 90 jours au moins. En tenant compte de ces délais, l’es élections régionales pourront avoir lieu en décembre 2019 si le président de la république venait à convoquer immédiatement le corps électoral.

Eventualité très peu probable au vue du calendrier politique pour les prochains jours et mois. Il vient d’annoncer qu’un dialogue national devra se tenir à la fin de ce mois de septembre 2019, et il n’est pas envisageable que des élections soient en train de se préparer dans le même temps. Faut-il le rappeler, c’est depuis la tripartite de 1992 que l’idée des régionales a été émise; introduite ensuite dans la Constitution promulguée en 1996, suivi des lois de 2004 sur la décentralisation et fixant les règles applicables aux régions, celle de 2006 fixant le mode d’élection des conseillers régionaux et bien d’autres par la suite. 

En 2019, cela fait 27 ans, et les élections pour la mise sur pied effective des régions continue d’être un serpent de mer. Même comme l’urgence de la résolution de la crise anglophone les imposent aussi…

Roland TSAPI