Le scrutin présidentiel du 7 octobre 2018 s’est achevé par la proclamation  de M. Paul Biya comme vainqueur, par le Conseil constitutionnel, qui a siégé le 22 du même mois en audience solennelle de proclamation des résultats.

De nombreux Camerounais avaient espéré que ce scrutin serait universel, plus libre, plus transparent, et plus juste que ceux qui se sont succédé depuis 1992. 

La mission d’observation électorale (MOE) déployée dans l’ensemble du territoire national, par les Organisations de la société civiles signataires du présent communiqué, montre au contraire que l’élection présidentielle 2018 aura été tout aussi moins crédible, vue sous le prisme des instruments internationaux et internes des droits humains, et des normes principielles d’un processus électoral démocratique.

Non-respect du suffrage universel et violation du droit de vote

(1)-Cette élection s’est déroulée dans des conditions d’insécurité criarde et pas propices dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest avec plus de 200 000 déplacés, et pas moins de 50 000 réfugiés. Situation similaire dans la partie septentrionale du pays où  la secte islamiste BokoHaram a provoqué plus de 100 000 déplacés, et aucune disposition n’as été prise pour que ceux de ces personnes ayant la capacité électorale puissent exercer leur droit de vote.

(2)- Beaucoup d’électeurs dont les récépissés attestaient pourtant qu’ils sont  inscrits, n’ont pas retrouvé leurs cartes électorales ni dans les services d’ELECAM, ni dans les bureaux de vote ;

(3)- De nombreux électeurs, détenteurs de cartes électorales, n’ont pu retrouver leurs noms et numéros sur les listes électorales mal photocopiées en noir et blanc…

(4)-Beaucoup d’électeurs/trices ont été victimes de la délocalisation inopinées de leurs bureaux de vote à plusieurs kilomètres pourtant un jour de circulation interdite des véhicules, et par conséquent n’ont pas pu se rendre dans ces lieux éloignés des lieux d’inscription initialement portés sur leurs cartes, pour exercer leur droit de vote.

Non-respect du scrutin libre,

De nombreux électeurs ont été contraints par la corruption ou par la menace des représailles de voter pour un candidat (observation faite dans la quasi-totalité des régions mais avec une prédominance dans certaines localités du Sud, de l’Est et de l’Extrême-Nord), ou encore, ont voté dans le sens d’assurer leur sécurité (certains militants du MRC ont été contraints à une démission collective et en public dans la région de l’Extrême -Nord).

Non respect de la transparence électorale,

Les différents candidats n’ont eu accès au fichier électoral définitif que le jour du scrutin, la maîtrise du contenu du fichier électoral restant l’exclusivité de l’OGE, et son affichage conformément à l’article 54 alinéa 2 du Code électoral n’a jamais été effectif.

La liste des bureaux de vote n’a jamais été affichée 08 jours avant le jour du scrutin, conformément à l’article 97 du Code électoral ;

Les représentants de certains candidats (Kamto Maurice, Cabral Libii ….) ont été interdits de présence dans certains bureaux (BV de CEBEC Yingui et de Maningaakonbe dans le département du Nkam ; bureaux de vote à Bafia, NDIKI, Makenene, Deuk, Bokito et Ombessa dans le département du Mbam et Inoubou, Bangangté dans le Ndé…).

Non respect de l’équité et l’intégrité électorale.

De nombreux doutes pèsent sur les résultats en zone de conflits (Sud-Ouest, Nord-Ouest et Extrême-Nord), parce que des écarts ont été relevés entre les chiffres présentés par le Conseil Constitutionnel et les chiffres officiels connus des acteurs du processus notamment le nombre d’inscrits ; parce que le Conseil Constitutionnel s’est refusé d’utiliser la prérogative que lui confère la loi (article 117 du Code électoral) pour procéder à la vérification des procès-verbaux et listes d’émargements.

Pour les Organisations signataires ci-après, qui ont noté d’abord le très faible taux de participation, et ensuite cette controverse autour des résultats statistiques dont ELECAM aurait pu et dû faire l’économie, la victoire légale proclamée par le Conseil constitutionnel dont l’audience a prouvé le verrouillage du système électoral, ne confère pas de légitimité, ou si peu, à l’élu qui prend encore en mains pour 7 ans la gouvernance du pays, dans un contexte sociopolitique et économique incertain.

Elles font remarquer :

  • Que cette victoire d’une légalité non consensuelle ne rend pas justice à la dynamique électorale impulsée dans la nation par l’émergence de nouvelles forces politiques qui incarnent la promesse d’une alternance démocratique,

Les Organisations signataires se réjouissent que la diffusion en direct des débats au Conseil constitutionnel ait permis aux Camerounais de se faire une idée en grandeur nature, des pouvoirs dont dispose cette Institution pour doter notre pays d’une justice électorale, à condition de jouir d’une véritable indépendance à l’égard du pouvoir politique établi, et d’une neutralité républicaine de ses hommes à l’égard des partis politiques.

Elles déplorent qu’en la circonstance, en lieu et place de cette indépendance et de cette neutralité attendues des institutions électorales, qu’il s’agisse d’ELECAM ou du Conseil constitutionnel, les Camerounais aient plutôt ressenti comme une sorte de collusion entre ELECAM, le parti au pouvoir et l’administration publique, devant un arbitre jouant en leur faveur contre une opposition essayant vainement de montrer qu’une autre gouvernance est possible au Cameroun.

Elles déplorent aussi, entre autres violations des droits fondamentaux et électoraux, qu’à l’occasion de cette élection présidentielle, le MINAT ait abusé de ses fonctions républicaines, pour attenter notamment au droit citoyen à l’observation électorale. En excluant (ou en réduisant drastiquement les listes) les organisations spécialisées dans les questions électorales et des droits de l’homme dans le processus d’accréditation.

Elles mettent en garde contre l’exaspération des frustrations civiles et civiques d’un peuple dont on vient de voir que la mobilisation autour du processus électoral indique un regain d’intérêt à la chose politique.

Au regard des violations des dispositions de de la Charte Africaine de la Démocratie, des Elections et de la Gouvernance (CADEG) qui dit en son préambule être soucieuse« d’enraciner dans le continent une culture d’alternance politique fondée sur la tenue régulière d’élections transparentes, libres et justes, conduites par des organes électoraux nationaux, indépendants, compétents et  impartiaux »,

Au vuet du non-respect du principe 2 de laDéclaration de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA)sur les Principes régissant les Elections Démocratiques en Afrique, qui stipule que  « les élections régulières constituent un élément clé du processus de démocratisation et elles sont, par conséquent, les éléments essentiels de la bonne gouvernance, de l’état de droit, du maintien et de la promotion de la paix, de la sécurité, de la stabilité et du développement »,

Au regard de tous ce qui est décrit plus haut, les organisations signataires de cette communication se prononcent  pour l’annulation pure et simple du scrutin du 7 octobre dernier.

Recommande une assise nationale pour l’adoption au Parlement, d’un calendrier de tenue d’une COMMISSION JUSTICE VERITE ET RECONCILIATION, au cours de laquelle un nouvel échéancier électoral sera adopté après une réforme du système électoral.

 

LISTE DES ORGANISATIONS SIGNATAIRES.

ONG UN MONDE AVENIR

DYNAMIQUE CITOYENNE

REDHAC

ARTICLE 55

WOMEN INITIATIVE LEAGUE FOR PEACE AND FREEDOM

SYDEV

CARDED

SOLEIL PLUS

UNOAD

LUKMEF

AIKAPPRODHOMP

NEWSETA