La sphère publique se rétrécit. La méfiance et la désinformation gagnent du terrain. L’heure est venue de tirer la sonnette d’alarme, L’heure est venue de défendre les principes démocratiques que sont l’égalité, l’inclusion et la solidarité » tel est le morceau choisit du discours d’António Guterres secrétaire Général des Nations unies adressé aux Etats membres à l’occasion de la 15ème journée internationale de la démocratie. Célébrée sur le thème : « Protéger la liberté de la presse, c’est protéger la démocratie ». Une thématique choisit à dessin au vu du recul de la démocratie dans le monde.
Dans une communication rendue publique ce 15 septembre 2022 à l’occasion de la célébration de cette journée, le collectif des organisations de la société civile dénommé Action civile 237 a peint le tableau sombre de la démocratie au Cameroun. Ces organisations œuvrant dans la défense des droits de l’homme, ont fait un état de lieu des libertés publiques et civiques au Cameroun au cours des neufs (9) premiers mois de l’année 2022. Elles ont égrainé une dizaine de cas liés au difficile accès à l’information et à la restriction de l’espace civique. Elles dénoncent, entre autres détentions arbitraire, intimidations, musèlement et interdiction de manifestations publiques de certains hommes de media et hommes politiques, selon ces derniers, ces actes ternissent l’image de la démocratie au Cameroun.La réticence des administrations publiques et parapubliques de mettre à la disposition des journalistes les informations officielles constitue un obstacle supplémentaire auquel font face les médias dans l’exercice de leurs missions. En guise de solution , Action 237 recommande au gouvernement camerounais entre autres de Faciliter l’accès à l’information aux citoyens et en particulier aux hommes de médias par l’adoption d’une loi sur l’accès à l’information ; Protéger les journalistes et tous les travailleurs de médias en dépénalisant (les exclurent des peines privative de liberté) les délits de presse ; Vider le dossier du journaliste Samuel WAZIZI qui serait mort en détention et dont les
circonstances n’ont jamais été éclaircies.
Aïchetou MAKOUET
Trouvez ci-joint l’intégralité de la communication.
COMMUNICATION DES ORGANISATIONS DE LA SOCIETE CIVILE :
ACTION CIVILE 237
Action Civile 237. Déclaration
15 SEPTEMBRE : JOURNEE INTERNATIONALE DE LA DEMOCRATIE 2022.
(THEME : PROTEGER LA LIBERTE DE LA PRESSE, C’EST PROTEGER LA DEMOCRATIE)
DEMOCRATISER LES PROCESSUS ELECTORAUX PAR L’ACCES A L’INFORMATION
ET A LA LIBERTE DE PRESSE AU CAMEROUN
I- DE LA DEMOCRATIE ET SES VALEURS
La démocratie est le régime politique dans lequel le pouvoir est détenu ou contrôlé par le peuple. Le
renforcement de la démocratie c’est aussi le respect et l’application de ses valeurs et principes tel
qu’édicté par la CADEG (Charte Africaine de la Démocratie, des Elections et la Gouvernance). « Les
Etats parties s’engagent à mettre en œuvre des programmes et à entreprendre des activités visant à
promouvoir des principes et pratiques démocratiques ainsi qu’à consolider la culture de la
démocratie et de la paix.
A ces fins, les Etats parties doivent :
1. Promouvoir la bonne gouvernance, notamment par la transparence et l’obligation de rendre
compte de l’administration.
2. Renforcer les institutions politiques pour asseoir une culture de la démocratie et de la paix.
3. Créer les conditions légales propices à l’épanouissement des organisations de la société
civile… »
La démocratie c’est aussi la façon dont les citoyens structurent la société à travers un système de
dévolution de pouvoir juste, transparent et équitable, pour s’assurer et assurer à chacun, une
participation effective au développement et à la prise de décision.
Le respect des libertés et les droits de l’Homme, la tenue régulière d’élections transparentes, libres
et justes au suffrage universel constituent des éléments essentiels de la démocratie.
DES TEXTES ET INSTRUMENTS QUI ENGAGENT LE CAMEROUN AU RESPECT ET A LA PROMOTION DE
LA DEMOCRATIE.
– La Constitution du Cameroun,
– La Charte Africaine de la Démocratie, des Elections et la Gouvernance,
– La Déclaration universelle sur la démocratie,
– La Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples,
– La Déclaration des principes sur la liberté d’expression en Afrique,
– La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme,
– Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
– La CEDEF (Convention sur l’Elimination de toutes les Formes de Discrimination à l’Egard de
la Femme),
– La Charte Africaine de la Jeunesse.
II. LES PROCESSUS ELECTORAUX, BAROMETRE DU NIVEAU DE DEMOCRATIE.
La dévolution des pouvoirs en démocratie se matérialise par la tenue d’élection transparente.
L’élection est donc considérée comme le moyen par lequel les populations confèrent une partie de
leur souveraineté à un ou des individus chargés de les représenter et/ou de prendre des décisions en
leur lieu et place.
Une élection démocratique requiert des conditions minimales qui reposent sur :
– Un encadrement législatif et institutionnel qui requiert un minimum de consensus de la part
des concurrents politiques.
– Un système qui garantit pleinement le droit aux suffrages actif et passif. Aucune cause
d’exclusion ne doit exister, sauf celles expressément prévues par la Loi et visant à garantir la liberté
de l’ensemble des électeurs et le bon déroulement du processus, et même ces dernières ne doivent
pas être de nature discriminatoire.
– Le déroulement dans une atmosphère qui respecte le droit de participation des citoyens
(droits d’expression, d’information, de manifestation, de réunion, etc.)
– Des mécanismes d’accès à l’information par tous les citoyens en particulier les journalistes.
Les deux dernières élections au Cameroun ont relevé des insuffisances caractéristiques d’un déficit
de démocratie.
1) Insuffisance de transparence et accès limité à l’information.
Les journalistes et les travailleurs de médias constituent un maillon important dans un système
démocratique. C’est à travers eux que la grande majorité des citoyens ont la bonne information et
peuvent organiser des actions de redevabilités vis-à-vis des élus.
Les entraves à la libre expression des médias influencent considérablement la capacité du citoyen à
contribuer activement à la vie démocratique du pays, faute d’informations fiables lui permettant
d’avoir une bonne lecture de la gouvernance politique et de pouvoir prendre position de manière
objective.
La réticence des administrations publiques et parapubliques de mettre à la disposition des
journalistes les informations officielles est un obstacle supplémentaire auquel font face les médias
dans l’exercice de leurs missions.
Les organisations de la société civile (OSC), dans le cadre de leurs travaux de suivi indépendant de la
mise en œuvre des politiques publiques (suivi des investissements publics, suivi des finances
publiques, etc.) au niveau local et national, sont très souvent confrontées à la difficulté d’accès aux
informations sollicitées. Il leur est souvent opposé le motif de « obligation de réserve » par les
fonctionnaires, pour ne pas avoir à mettre les informations à leur disposition.
Les partis politiques, bien que membres des commissions de révision du fichier électoral, n’ont pas
toujours la maitrise de la fiabilité du fichier électoral encore moins du processus d’enrôlement. Leurs
présences effectives aux commissions étant rendues difficiles par la non prise en compte de leurs
représentants dans le budget de l’organe de gestion électorale.
De même, les dates exactes des échéances électorales restent un secret de polichinelle. Le parti au
pouvoir prend le dessus sur ses concurrents à ce niveau, il peut à la faveur de son contrôle absolu sur
les deux autres piliers de la démocratie (le parlement et la justice), décider d’avancer ou de reculer
une échéance sans explication pertinente.
2) Restriction de l’espace civique, impossible déploiement des concurrents politiques
L’actualité au cours des neuf (9) premiers mois de l’année 2022 au Cameroun laisse observer le
rétrécissement de l’espace civique à travers la limitation de l’exercice des libertés publiques,
marquée par une série des faits.
Le sous-préfet de la Commune d’arrondissement de Douala 4ème, accompagné des forces de police et
de gendarmerie, a interdit le 17 Février 2022 un séminaire de formation des militants du Social
Democratic Front (SDF) et du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) sur la
communication politique organisé par la Fondation Friedrich Ebert Stiftung. Le motif principal avancé
par le Sous-préfet est que cette activité n’avait fait objet d’aucune déclaration par les organisateurs,
et donc n’a pas été autorisée.
L’ancien journaliste ex rédacteur-en-chef, Cédric NOUFELE, de la télévision Equinoxe a été convoqué
le 16 mars 2022 par le préfet du département du Wouri, puis suspendu par le Conseil National de la
Communication (CNC) pour une durée d’un mois pour trois (3) motifs : un manque d’encadrement
des panelistes ayant entrainé la diffusion de propos à caractères conflictogènes le 27 février 2022
dans l’émission « Droit de Réponse » ; d’avoir donné la parole à Séverin TCHOUNKEU le 21 mars
dernier (selon le CNC, le patron d’Equinoxe a eu, durant cette émission spéciale, prononcé des
propos offensants à l’endroit des institutions de la république) ; d’avoir diffusé le 17 mars 2022 une
vidéo datant du 06 octobre 2020 en guise d’illustration des menaces d’un sous-préfet de la région de
l’Ouest à l’encontre des enseignants.
Il en est de même de Severin TCHOUNKEU, Directeur de Publication à Equinoxe TV, qui après avoir
reçu une mise en garde adressée par le gouverneur de la région du Littoral, s’est vu notifié une
suspension d’une période d’un mois également par le CNC. Dans le même ordre de sanction,
l’émission « Droit de Réponse » présenté par le Journaliste Cédric NOUFELE a également été
suspendue pour une durée d’un mois.
Les populations du village Dikolo-Bali à Douala sont sorties dans la rue pour manifester leur
mécontentement suite à l’expropriation de leurs terres, le 20 mai 2022. Cette manifestation a été
interrompue par la police. Celle-ci a dispersé les manifestants en utilisant les jets d’eaux et les
bombes lacrymogènes sur ces derniers.
La manifestation du Collectif des Aveugles et Malvoyants Indignés du Cameroun (CAMIC) a été
interrompue par la police le 27 juin 2022, puis au moins vingt (20) de leurs membres ont été arrêtés
et gardés à vue au commissariat n°1 de Yaoundé pendant une demi-journée. D’autres ont été
conduits hors de la ville de Yaoundé, dans le département de la Mefou-et-Afamba précisément dans
la ville de Mfou. Le collectif avait organisé cette manifestation afin de présenter leurs revendications
au Premier Ministre, suite à leur exclusion des concours et recrutements dans la fonction publique,
malgré les preuves qu’ils ont la formation et les diplômes requis. Leur porte-parole a déclaré : « nous
nous sommes retrouvés au rond-point Hilton, aux environs de six heures du matin. Nous étions munis
de nos pancartes pour le sit-in, les policiers sont arrivés dans les pick-up et ont commencé à nous
violenter. Ils nous ont embarqués avant de nous conduire de force au commissariat n°1 de la ville de
Yaoundé… ».
Le Directeur de publication du journal GERMINAL, Jean-Bosco TALLA, a reçu du Sous-préfet de
Yaoundé 1er le 29 Juin 2022, une interdiction d’une réunion publique (La Grande Palabre) projetée
pour le 30 Juin 2022, alors que le 28 Juin 2022, ce même Sous-préfet lui avait remis un récépissé de
déclaration de ladite réunion publique.
Les éléments de la Sécurité militaire (SEMIL) ont débarqué le 04 Septembre 2022 dans les locaux de
Canal 2 International à Yaoundé, à la fin de l’émission de débat dominical «Canal Presse». Ces
derniers y ont fait irruption dans l’optique d’emmener l’un des intervenant sur le plateau,
l’universitaire Dr CHUO Walters qui aurait fait des déclarations en lien avec la gestion de la crise dans
les régions du Nord-ouest et Sud-ouest Cameroun. Ce qui n’aurait visiblement pas plu aux autorités
militaires. Heureusement ce jour, l’émission ne se déroulait pas dans le studio de Yaoundé, mais
plutôt dans celui de Douala. Une situation qui vise à mettre sous pression les hommes et femmes de
médias, mais également à les mettre en garde sur la qualité et le choix de leurs invités, surtout si
ceux-ci peuvent avoir un discours visant à porter un regard critique sur la gouvernance politique au
Cameroun.
La démocratie au Cameroun n’est pas seulement marquée par les éléments cités plus haut, elle est
aussi en proie à l’impossibilité de déploiement de plusieurs partis politiques de l’opposition. Cette
impossibilité de déploiement se manifeste par des séquestrations des militants, les menaces et
interdictions diverses.
Le Sous-préfet de Bafoussam 1er, en réponse à la déclaration de manifestation publique projetée par
le MRC (Mouvement pour la Renaissance du Cameroun) pour le 20 Août, a délivré le 17 Août 2022,
un document aux responsables de ce parti, les invitant à organiser leur manifestation dans une salle
ne pouvant pas contenir plus de 50 personnes en raison de la pandémie à Covid-19, a-t-il précisé. Il
faut préciser que cette manifestation consistait au renouvellement des organes de base de ce parti
politique dans la région de l’Ouest Cameroun. On se souvient qu’il y a quelques mois de cela, le parti
au pouvoir le RDPC (Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais) se pliait au même
exercice et aucune interdiction ne lui avait été délivrée, ni pour des raisons de propagation de la
pandémie à Covid-19, ni pour autre raison que ce soit.
Le Ministre de l’Administration Territoriale a rendu public un communiqué radio le 02 Septembre
2022 dans lequel il somme le nommé Samuel Séverin ANGO, Président du parti politique « La
Nationale », de ne plus se présenter comme tel. D’après le MINAT, ses services n’ont pas reçu de
correspondance venant du parti « La Nationale » et faisant de Samuel Séverin ANGO, le Président.
Dans le même communiqué, il appelle l’opinion publique à plus de vigilance et à ne plus considérer
ce dernier comme tel. Toute situation qui démontre de la volonté du MINAT à s’immiscer dans la vie
interne des partis politiques.
III. Recommandations
Au regard de ce qui précède, les organisations de la société civile recommandent au Gouvernement
du Cameroun de:
Faciliter l’accès à l’information aux citoyens et en particulier aux hommes de médias par
l’adoption d’une loi sur l’accès à l’information;
Protéger les journalistes et tous les travailleurs de médias en dépénalisant (les exclurent
des peines privative de liberté) les délits de presse.
Vider le dossier du journaliste Samuel WAZIZI qui serait mort en détention et dont les
circonstances n’ont jamais été éclaircies.
Revoir la loi sur le terrorisme notamment l’article 02 alinéa c qui constitue une entrave
grave à la liberté de manifestation ;
Respecter les engagements du Cameroun sur le plan international en matière de protection
de réunion et manifestations publiques ;
Tenir compte des jurisprudences existantes en matière d’interdiction de réunion publique,
Ouvrir un cadre de discussion avec les concurrents politiques et d’autres acteurs
intervenants dans le champ de la démocratie en particulier les médias et la société civile en
vue d’une révision consensuelle du système électoral.