Position commune de la société civile africaine sur le Pacte mondial sur la migration
et autres initiatives
DOCUMENT DE TRAVAIL
INTRODUCTION
Dans le cadre de l’élaboration de la proposition commune de la société civile africaine, une rencontre continentale consultative a été organisée à Dakar les 22 et 23 Novembre 2017. Cette rencontre a connu la participation de plusieurs organisations de la société civile venues de l’Afrique de l’ouest et centrale, dont l’ONG Un Monde Avenir pour le Cameroun. A l’issus de cette rencontre de deux jours, un bilan de l’ensemble des initiatives prises en termes de rencontres, d’études et de rapports circonstanciés depuis Avril 2017 a été établi. Conformément au calendrier des consultations, les positions suivantes ont été retenues pour les négociations et actions de plaidoyer dans le cadre de l’élaboration du Pacte Mondial sur la Migration:
Préambule
Le Pacte mondial doit reconnaître explicitement que la mobilité / migration est un droit humain fondamental et a toujours été l’un des moyens les plus appropriés de créer des liens entre les peuples. Cette reconnaissance sera fondée sur la reconnaissance tout aussi importante des droits des femmes, des hommes et des enfants qui migrent sous différentes formes et pour différentes raisons. Cette reconnaissance explicite doit être obligatoire dans les pays d’accueil, les pays de transit et les pays d’origine. Il convient de souligner que pour la société civile africaine, la migration n’est pas un problème mais plutôt une opportunité à saisir.
Le titre et le langage du pacte «Pacte mondial pour une migration sûre, ordonnée et régulière» doivent être plus humains et donner de la dignité aux réalités des migrants sur les différents continents. La « régularité » de la migration suggère que l’argument fondamental en faveur de la criminalisation des hommes, des femmes et des enfants à la recherche de la sécurité humaine est perturbé par diverses raisons qui les poussent à partir (analyse des causes profondes). Les OSC africaines recommandent d’avoir un pacte alternatif sur la migration sous toutes ses formes (Global Compact on Migration). L’objectif est d’expliciter dans le pacte le caractère non discriminatoire et non partisan des lignes directrices. Dans le même ordre d’idées, les différentes sessions ont souligné le fait qu’il n’y a pas de «migrants illégaux» mais des migrants sans papiers officiels d’un pays d’accueil. Les OSC africaines recommandent d’éviter l’utilisation d’un tel concept qui criminaliserait seulement une partie des migrants tout en violant leurs droits humains fondamentaux.
La diaspora est reconnue comme la 6ème région et leurs contributions doivent être reconnues. Les États et les OSC devraient œuvrer au renforcement des relations entre la diaspora et la région Afrique.
Autres positions communes :
Position commune 1: Le Pacte doit mobiliser chaque Etat pour développer une politique migratoire cohérente, inclusive et non criminalisante pour les migrants. Une politique élaborée et mise en œuvre avec la participation et la responsabilité de toutes les parties prenantes (Etat, OSC y compris les organisations de droits humains, organisations de migrants). Ces politiques nationales doivent être distinctes des politiques du travail et d’autres textes apparentés. En outre, le pacte doit engager tous les États parties au Pacte mondial sur la migration à ratifier et à appliquer les conventions des Nations Unies et de l’Organisation internationale du travail (OIT). Ils doivent d’abord donner la priorité aux instruments internationaux contraignants en faveur des migrants dans toutes les politiques, programmes et accords relatifs aux migrations internationales.
Position commune 2: Accorder une attention particulière aux droits humains et sociaux des migrants dans tous les processus de «retour-réintégration-protection», en particulier dans le contexte des conflits interétatiques, le rétablissement / la régularisation des migrants. Pour ce faire, le pacte doit demander aux parties prenantes de développer des actions ciblées de plaidoyer et de sensibilisation auprès des différents acteurs et de sensibiliser les migrants et les migrants potentiels aux enjeux de la migration, enjeux liés à l’insécurité. Toutes les parties doivent contribuer au renforcement des capacités des migrants et des agents de migration dans les pays et les régions d’intégration.
Position commune 3: Tous les États doivent mettre en place des instruments et des mécanismes législatifs contraignants pour combattre et condamner tous les actes de racisme et de xénophobie (Plan d’action de Durban pour l’Afrique) et dénoncer et condamner toutes les formes d’abus et de détention, expulsion et autres violations des droits.
Position commune 4: Interdire la création de centres de tri pour les demandeurs d’asile appelés «points chauds». Le pacte doit explicitement condamner la mise en place de tels instruments qui non seulement violent les droits des demandeurs d’asile, mais aussi externalisent les contrôles aux frontières occidentales.
Le Pacte mondial doit reconnaître le rôle très positif des migrants dans le développement des pays de départ, des pays de transit et des pays d’accueil et encourager les États parties à fournir les cadres qui peuvent promouvoir sa dignité et son développement. Les contributions des migrants doivent être considérées dans une perspective multidimensionnelle (sociale, intellectuelle, culturelle, de compétences, économique, financière, etc.).
Position commune6: Les femmes et la migration : Le cadrage devrait aller au-delà des femmes migrantes pour explorer les réalités de toutes les femmes touchées par la migration dans les pays d’origine (les femmes restées au pays dont les maris partent) celles en transit, dans les pays de destination et à leur retour. La migration des femmes va au-delà des travailleuses domestiques et des femmes victimes de la traite. Il englobe également les façons larges et diverses dont les femmes sont touchées par leur propre migration et celle des membres de la famille. Les femmes africaines en migration ne sont pas des «populations vulnérables», ayant besoin de «secours», elles sont des défenseurs de leurs droits et des agents du changement. Les politiques d’immigration actuelles créent des contextes d’exclusion, d’inégalité et de violation des droits qui mettent les femmes en danger et en situation de vulnérabilité. La langue ne devrait pas être de «protéger» les femmes, ce qui limite l’autonomie et la jouissance des droits des femmes. Il devrait s’agir de protéger les droits des femmes et leur capacité d’agir. Les femmes migrantes africaines ne devraient pas être considérées comme un groupe de population périphérique.
Position commune7: Le Pacte doit encourager les États et les régions d’intégration à établir des protocoles pour la libre circulation des personnes et à encourager la reconnaissance de la citoyenneté régionale permettant aux citoyens de la région d’avoir des droits mais aussi d’exercer leurs droits. Devoirs dans l’espace d’intégration. Les mesures d’accompagnement devraient aider à mieux orienter les migrants dans les zones d’intégration et à minimiser leur criminalisation dans les pays d’accueil.
Position commune 8: La gestion des données est une pratique profondément politisée, en particulier parce qu’elle est liée au pouvoir et à l’intention de qui recueille les données. La dynamique du pouvoir Nord / Sud de la création de connaissances et de la gestion des données doit être perturbée. Les États africains doivent fournir les ressources, les institutions, le soutien académique et le financement nécessaires aux penseurs et aux organisations africaines pour mener le travail de création de données. Ce travail doit avoir l’intégrité de ne pas être utilisé comme un outil de police des migrants qui peut mettre les communautés de migrants à plus de risques.
Position commune n°9: Le Pacte mondial doit inclure des mécanismes de compensation pour les personnes victimes de politiques de migration répressives dans les pays de départ, de transit et de réception.
Position commune 10: Le Pacte mondial doit soutenir les normes internationales et concrétiser les mécanismes (ou mesures) et les sauvegardes pour garantir que le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant soit respecté par tous les États. Les enfants doivent être protégés contre le refoulement et la détention et ne doivent pas être placés en détention. Les pays africains s’opposent à la détention d’enfants adultes sur le continent et dans la diaspora et investissent activement dans des alternatives à la détention. Le Pacte mondial doit également garantir un accès non discriminatoire à l’éducation, à la santé et à d’autres dispositions sociales pour les enfants, quel que soit leur statut. L’intérêt supérieur et le bien-être de l’enfant doivent être au centre de la pratique des migrations internationales. Avoir une population jeune qui a besoin de sources de subsistance et d’opportunités d’emploi reste la clé.
Position commune 11: Les personnes âgées doivent être reconnues comme une partie vitale de la migration africaine. Ils sont souvent la structure de soutien sur laquelle comptent les jeunes membres de la famille pour prendre soin de leurs enfants et les élever quand leurs parents migrent. Souvent, il y a un soutien limité pour eux dans ce rôle, qu’il soit psychosocial, financier, médical et ainsi de suite. Dans certains cas, les parents accompagnent leurs enfants afin de s’occuper de leurs petits-enfants dans une nouvelle communauté. Et dans de nombreux cas, les migrants vieillissent avant de retourner dans leur pays d’origine. Même s’ils le font, il n’y a aucune garantie qu’ils auront accès aux pensions et au soutien à la réintégration. Perdre des réseaux sociaux, familiaux et communautaires qui ont été construits au fil des ans est extrêmement traumatisant pour quiconque, en particulier pour les personnes âgées. Position commune 12: Les politiques en matière de visas devraient être révisées en tenant compte des questions de souveraineté des États liées à la sécurité humaine et à la sécurité des frontières.