Incapable de prévoir et anticiper sur les sinistres, il se contente d’être sur les lieux pour offrir à manger, sans rapport avec le réel besoin des victimes et la solution au problème. Et cela est répétitif

Nous avons relevé dans notre précédent éditorial que le ministre de l’Administration territorial camerounais, s’est illustré depuis son entrée au gouvernement le 2 mars 2018 par sa course derrière la plupart des événements malheureux, 10 au moins,  survenus sur le territoire national, ce qui est paradoxal quand on sait qu’un gouvernement devrait plutôt anticiper sur les évènements et les empêcher, parce que gouverner c’est prévoir.

En début de l’année 2019, les missions du ministre de l’Administration territoriale ont pourtant été reprécisées dans le décret numéro 2019/030 du 23 janvier 2019 portant organisation du ministère de l’administration territoriale. L’article premier alinéa 2 b indique que dans le domaine de la protection civile, il est chargé  « de l’élaboration, de la mise en œuvre et du suivi de la réglementation et des normes de prévention et de gestion des risques et calamités naturelles, en liaison avec les administrations concernées, de la coordination des actions nationales et internationales en cas de catastrophe naturelle

Incendies

Pour ce qui est des incendies dans les marchés, des études démontrent qu’ils sont généralement d’origine électrique, et sont dus à des dégradations localisées des câbles et des connexions entrainant une surchauffe ponctuelle et une carbonisation des isolants qui peuvent s’enflammer dès l’apparition d’un arc électrique, généralement un court-circuit temporaire. Mais cet arc électrique peut également être la foudre, cataloguée comme une cause naturelle d’incendie. Et d’autres études indiquent que l’Afrique, et surtout le Cameroun font parties des zones les plus exposées au phénomène, avec 120 orages et 2, 5 millions de coups de foudre par an pour ce qui est du Cameroun spécifiquement. Si la foudre ne peut être empêchée, elle peut au moins être contenue et ses effets contrôlées, une fois que l’on est en possession de ces informations. Et c’est l’une des principales missions qui incombe au ministère de l’administration territoriale. L’article 59 du décret du 23 janvier 2019 confie cette mission à toute une direction, celle de la protection civile, chargée de l’organisation générale de la protection civile sur l’ensemble du territoire en liaison avec les administrations concernées, des études sur les mesures de protection civile en temps de paix et en temps de guerre.

Inondations

Pour ce qui est des inondations dans les régions septentrionales du pays, le phénomène est tout aussi connu. Les médias parlent des dernières en disant simplement que les inondations sont de retour, sous-entendu qu’elles ont souvent été là. Dans  le journal Le Septentrion Infos numéro 39 du 4 septembre 2012, au cours d’une interview accordée au journaliste Paul Joël Kamtchang, le docteur Natali Kossoumna Liba’a, chargé de cours au département de géographie  à l’université de Maroua, affirmait  que la part du réchauffement climatique est grande dans les inondations au Nord Cameroun. Il expliquait en substance que pour des raisons de changement climatique, la région de l’Extrême nord est désormais exposée à des pics de pluviométrie paradoxales pour une région où les pluies sont plutôt rares, et que la période de forte pluie est tout de même circonscrite à partir du mois de juillet de chaque année.

A la question de savoir s’il n’y avait pas de solutions autre que des sacs de riz apportés aux sinistrés, il répondit : « le gouvernement joue toujours son rôle de sapeur-pompier, mais il faut des solutions concrètes et durables…Même si plusieurs départements ministériels ont en charge la gestion des questions relatives à la conservation de milieu naturels et des ressources en eau en particulier, une approche globale des questions relatives aux ressources en eau en vue d’une gestion durable n’est pas pour le moment visible sur le terrain en termes de résultats et d’efficacité…Un secrétariat permanent à la gestion des catastrophes naturelles a même été créé, mais son rôle ne devrait pas s’arrêter à organiser des interventions en cas de catastrophes…Toute intervention, quelle qu’en soit l’échelle, devrait être précédé d’une étude d’impact et reposer sur une bonne connaissance des mécanismes qui sous-tendent le fonctionnement normal du milieu .»

Imprévisions

C’est dire qu’en dehors des crises politico-sociales, rien de ce qui arrive n’est inconnu, ou ne devrait pas l’être, pour que le ministre se retrouve à courir après.

L’article 46 de ce décret portant organisation du ministère de l’administration territoriale, parle d’une sous-direction de l’exploitation et de la sécurité, chargée entre autres de l’exploitation des bulletins de renseignements généraux. Mais que contiennent souvent ces bulletins de renseignement généraux, font-ils allusion aux risques d’incendies qui guettent les marchés du fait de l’utilisation du matériel non certifié, qui couplée à l’exposition du territoire à la foudre font de ces marchés des poudrières dormantes ? Font-ils mention des risques d’inondation dont les conséquences seraient aggravées comme le dit l’enseignant de géographie, par de nombreux villages qui s’installent sur les lits majeurs des cours d’eau et y mènent des activités agricoles, contribuant à perturber l’écoulement normal des eaux ou carrément à les détourner, ou ces bulletins contiennent-ils seulement des informations sur les mouvements des hommes politiques de l’opposition ? 

Retard à l’intervention

A défaut de prévenir, le Minat pouvait tout au moins intervenir en cas de survenance de ces sinistres, et à temps. La direction de la protection civile est également en charge de la coordination des moyens mis en œuvre pour la protection civile, notamment les secours, les sauvetages, la logistique, l’utilisation des forces supplétives ou auxiliaires. Là aussi c’est un problème. Les dernières inondations ont fait 5 morts, parce qu’il n’y avait personne pour leur apporter secours, et le ministre est venue par la suite adresser ses condoléances aux familles. Aucun dispositif de veille pour venir en aide aux populations n’est prévu.

Ailleurs on voit des hélicoptères survoler les zones de sinistre, les pirogues de sauvetage déployées, des ponts aériens ou maritimes mis en place pour sauver les populations et leurs biens. Au Cameroun, à défaut d’anticiper et prévenir, on n’est en plus pas en mesure d’intervenir à temps pour minimiser les dégâts.Le membre du gouvernement qui est chargé de cela est bien loin de ces objectifs, et ses réaction tardives au lieu d’être proactives, font qu’il apparaisse en fin de compte  plutôt comme un ministre… des sinistres.

Roland TSAPI