C’était au cours d’un discours inattendu prononcé à la télévision nationale le 10 septembre au soir

Un jour inhabituel et inoubliable pour les Camerounais,  mardi 10 septembre 2019. Nous  ne sommes pas à la veille d’une fête nationale ni à une prestation du serment du président de la république comme les Camerounais en ont l’habitude. Le président a surpris beaucoup sur cette sortie soudaine. Pendant 30 min de discours qu’il a focalisé uniquement sur la crise anglophone, il a fait état de lieux de la crise, partant de sa genèse en passant par des mesures prises par le gouvernement pour résoudre le problème. 

Contre  toutes, attentes le président Paul Biya a instruit le dialogue national. « J’ai la ferme conviction, à cet égard, que le moment est venu de mobiliser toutes les forces positives et constructives de notre pays, à l’intérieur comme dans la diaspora, pour que ce désir devienne une réalité. C’est pourquoi, j’ai décidé de convoquer, dès la fin du mois en cours, un grand dialogue national qui nous permettra, dans le cadre de notre Constitution, d’examiner les voies et moyens de répondre aux aspirations profondes des populations du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, mais aussi de toutes les autres composantes de notre Nation ». 

Juge et partie

Selon lui, ce dialogue sera « Présidé par le Premier Ministre, Chef du Gouvernement, ce dialogue réunira une palette diverse de personnalités : parlementaires, hommes politiques, leaders d’opinion, intellectuels, opérateurs économiques, autorités traditionnelles, autorités religieuses, membres de la diaspora, etc. Seront également invités des représentants des Forces de Défense et de Sécurité, des groupes armés et des victimes ». Le Premier ministre mènera  donc de larges consultations, afin de recueillir les avis les plus divers, qui serviront de sources d’inspiration pour la conduite des débats.

 Les Camerounais notent néanmoins que le  président Paul Biya instaure ce dialogue à son temps voulu comme toujours « le temps présidentiel». Pourtant plusieurs propositions et recommandations allant dans le même sens ont été formulées par les partis politiques, les acteurs de la société civile,  les hommes religieux, et même les citoyens lambda  bien avant l’escalade meurtrière dans les régions du Nord-Ouest  et du Sud-ouest.

Un dialogue longtemps réclamé

En novembre 2017  par exemple les députés du Social democratic front (SDF), avait  provoqué la suspension de la session parlementaire, réclamant l’ouverture d’un dialogue inclusif sur la situation dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest.  Le 25 juillet 2018, le cardinal émérite Christian Tumi avait annoncé une conférence générale qui avait finalement été balayé d’un revers de la main. Au cours d’une séance de question réponse le 5 avril 2019,  le doyen du Senat pour le  compte du Rdpc ChiefMukete s’était  indigné devant la Chambre face à la crise qui perdure dans les régions anglophones. L’ONG Un Monde Avenir depuis 2018, avait pris fermement la position pour l’ouverture d’un dialogue inclusif, pour ne citer que ceux-ci.

La communauté internationale a également recommandé à plusieurs reprises à l’Etat du Cameroun l’ouverture d’un dialogue inclusif. La plus récente est celle  du 24 juillet 2019,  quand le projet de résolution de la crise anglophone et du climat sociopolitique général dans le pays a été adoptépar le Congrès américain. Les parlementaires américains appelaient le gouvernement et les groupes armées « à respecter les droits de l’homme, à mettre un terme à toutes les violences et à engager un dialogue large, sans conditions préalables pour résoudre le conflit dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest »

Même si  mieux vaut tard que jamais, on peut quand même reprocher au chef de l’état sa réaction  tardive qui est à l’origine du bilan catastrophique enregistré dans le cadre de cette crise.  Le dialogue est donc  prévu  pour  la fin de ce mois et les Camerounais n’attendent qu’une chose, qu’il soit sincère et contraignant.

Aïchetou MAKOUET