ASSEMBLÉE NATIONALE : LES SESSIONS EN SOUS EFFECTIF
Les députés et sénateurs camerounais entrent ce 10 juin en session pour la deuxième fois de l’année 2019, et ce pour trente jours, pour en principe discuter sur des lois et exercer un contrôle de l’action gouvernementale, tel que prévoit la constitution à l’article 14 alinéa 2. Si des questions se posent encore sur le véritable rôle des sénateurs qui forment la chambre haute du Parlement, les députés ne peuvent nier la responsabilité qui est la leur. Dans les normes, les populations à la base élisent les députés pour les représenter à l’Assemblée nationale où leurs préoccupations sont désormais portées. Leur nombre est fixé par la Constitution à l’article 15 alinéa 1 : « l’Assemblée Nationale est composée de 180 députés élus au suffrage universel direct et secret pour un mandat de 5 ans. » Mais à ce jour, la 9eme législature commencée en 2013 et qui s’achève cette année 2019 après la prolongation de leur mandat pour 12 mois, compte 14 députés en moins, emportés par la mort.
12 circonscriptions pas ou sous représentées
La région de l’Extrême Nord a perdu déjà 5 députés à savoir, Ali Dougouf Djonkio et Elias Gondji du département Mayo-Tsanaga, Abba Malla Boukar et Taga Viche, dans le département du Mayo-Sava, Madjele, du Mayo-Kani, tous étant du Rassemblement démocratique du peuple Camerounais. Le Littoral a connu la disparition de Joseph Mboui, de la Sanaga Maritime et Jean Claude Mpacko Kotto dans le Moungo, soit un total de deux tous du Rdpc, dans le Sud-Ouest Igelle Elias Terhemen Akiande dans la Manyu et Lisinge Ekeke Arthur, du Fako toujours du Rdpc ont tiré leur révérence. Dans le Nord-Ouest Joseph Banadzem du Social democratic front est décédé dans le Bui et Genesis Mbucksek, du Rdpc dans le Donga Mantung, le Centre a perdu Barnabé Eloundou, du Rdpc dans la Lekié et Pierre Sende, de l’Union des populations du Cameroun dans le département du Nyong et Kellé, et enfin la région de l’Ouest a perdu Samba Mariama, l’Union démocratique du Cameroun.
C’est donc amputé de 14 de ses membres que l’Assemblée nationale entrera en session pour la deuxième fois en 2019. Si la question du quorum ne se pose pas pour l’adoption des lois et pour toute résolution que la chambre peut prendre, il est à noter que le principe de représentativité du peuple qui caractérise cette chambre n’est plus respecté. Quand la Constitution parle de 180 députés pour l’Assemblée nationale, cela a bien un sens sur le plan juridique, parce qu’autrement il ne s’agit plus de l’Assemblée nationale, puisque sa constitution n’est plus légale. C’est comme dans les disciplines sportives, quand l’on dit qu’une équipe de football compte 11 joueurs, aucune équipe ne peut se présenter au stade avec moins de ce nombre et entrer sur l’aire de jeu.
Non respect des textes
Le mécanisme de remplacement des députés à l’Assemblée nationale est pourtant prévu dans le code électoral. L’article 155 alinéa 1 dispose: « lorsqu’il se produit une ou plusieurs vacances définitives par suite de décès, démission du titulaire et du suppléant ou de tout autre cause dans une circonscription électorale, il est procédé à des élections partielles dans les douze mois qui suivent la vacance. » Douze mois c’est le délai maximal pour élire un député en remplacement d’un décédé, cette loi ayant prévu que le suppléant ne peut remplacer le titulaire en cas de décès, de peur explique-t-on que les suppléants attentent à la vie de leur titulaire pour prendre leur siège à l’hémicycle.
Joseph Mboui de la Sanaga Maritime par exemple est mort depuis le 1er mars 2017, il y a 27 mois aujourd’hui, mais l’élection partielle n’a jamais eu lieu. Il faut relever que des 14 députés décédés, 11 sont du Rdpc parti au parti au pouvoir, qui en comptait 148 au début de la 9 eme législature, une majorité écrasante. Il en reste 137 députés à ce parti sur 180, toujours la majorité. Peut-être est-ce la raison pour laquelle le pouvoir ne se gêne pas pour remplacer les décédés, parce qu’il n’est pas certain qu’il aurait adopté la même attitude d’indifférence vis-à-vis des textes si sa majorité était un tant soit peu menacée. Quoiqu’il en soit, avec ces décès non remplacés, c’est au total 12 circonscriptions électorales au Cameroun qui ne sont plus représentée à l’Assemblée nationale soit totalement soit avec le nombre complet de ses députés. Qui défend donc les intérêts de ces populations désormais ?
Manque à gagner électorale
Où partent les microprojets qui leur étaient destinés et qui devaient leur arriver par leurs représentants. Pourquoi certaines populations seraient en train de bénéficier des points d’eau et autres petites infrastructures de développement et pas d’autres, en supposant que l’argent des microprojets parlementaires y est effectivement consacré ? L’absence de réponse à toutes ces questions, le non empressement du pouvoir à pourvoir à leur remplacement montrent bien que ce n’est pas l’intérêt de la population à la base qui préoccupe le pouvoir, tant qu’il a la majorité pour faire passer les lois aussi impopulaires qu’elles soient, cela lui suffit.
Des attentes malgré tout
Et que dire du contenu de cette session ? Les députés rentrent aussi en salle au moment où le pays continue de traverser une situation particulière, marquée par la crise dans les régions du Sud-Ouest et du Nord-Ouest, le rétrécissement des libertés publiques, l’escalade de la violence verbale nourrit par le tribalisme, le doute sur l’effectivité de la décentralisation et le débat sur la modification du Code électoral. Cette situation à valu ces derniers temps au pays d’être sous le feu des projecteurs de la Communauté internationale à travers le Parlement Européen ou le Conseil de sécurité des Nations Unis notamment. Ces institutions ont dans leurs résolutions et communiqués finaux fait un état des lieux et des recommandations, là où le Parlement Camerounais est resté jusqu’ici muet. En serait-i autrement cette fois ?
Roland TSAPI