Le Cameroun a encore été frappé par la secte djihadiste Boko Haram dans la nuit du 9 au 10 juin 2019. Près de 300 militants de la secte, ont fait une incursion à Darak, une île située non loin du lac Tchad. Selon les chiffres officiels 16 militaires y ont laissé leur vie, et 8 ont été blessés, 8 civils tués et un blessé.

64 combattants boko Haram ont également été neutralisés selon les termes du ministre délégué à la présidence chargé de la défense Joseph Beti Assomo, 8 capturés et 3 embarcations détruites.  Cette attaque surprise, vient rappeler à la mémoire de la nation entière que la menace plane toujours, rendant plus compliquée encore la situation sécuritaire. Les ratissages de l’armée depuis le début de la crise auront peut-être poussé les assaillants à un recul, mais l’ampleur de l’attaque et le nombre des victimes militaires montrent bien que s’ils ont reculé un temps, c’était pour mieux revenir

 

L’insurrection   de Boko Haram, qui a débuté en 2009 dans le nord-est du Nigeria, a progressivement pénétré le territoire camerounais, et l’attaque la plus meurtrière jusqu’ici avait été celle du lundi 12 janvier 2015 de la localité de Kolofata située dans le département du Mayo-Sava, région de l’Extrême-Nord.

D’après le communiqué du ministre de la Communication Issa Tchiroma Bakary de l’époque, 143 membres de la secte avaient été tués au cours de l’attaque, contre un militaire camerounais et 4 blessés, et un important arsenal de guerre avait été saisi, composé, des fusils d’assauts de différentes marques, des armes lourdes, des munitions de tous calibres et des terminaux de transmissions VHF de type Motorola.

                                                                       d’où sortent ils ?

Résurgence

C’est depuis cette époque que l’on avait cru avoir du répit, rassuré par les différentes sorties gouvernementales dans ce sens. Mais depuis le début de cette année 2019 particulièrement, la secte semble avoir repris du service. Au cours de la moitié du mois de mars, trois civils ont été tués dans l’attaque d’une localité de la zone de Kolofata par des membres de Boko Haram.

 

Le 30 mars 2019, trois militaires ont été tués et quatre autres blessés suite à une attaque de la localité de Sagmé.  Dans la nuit du 20 avril, une incursion a eu lieu à Blaram, une commune de l’arrondissement de Blangoua, frontalière du Nigeria, avec un bilan final de 8 morts. Le 19 avril 2019, le groupe s’en était pris à un village de l’arrondissement de Mora, faisant 11 morts, dont trois enfants, et incendiant presque toute la localité. Le 12 avril, quatre soldats du Bataillon d’intervention rapide (BIR) de l’armée camerounaise avaient été tués par une bombe artisanale à Gouzda-Vreket dans l’arrondissement de Mayo Moskotapar. Au début de ce même mois d’avril, de violents affrontements avaient opposé des éléments de la Force multinationale mixte à des combattants de Boko Haram à Ardebe. Cinq soldats camerounais avaient ainsi perdu la vie lors de ces combats.

 

Face cette résurgence de l’insécurité, le gouverneur de l’Extrême-Nord, Midjiyawa Bakari, a appelé à redynamiser les comités de vigilance locaux et à renforcer la collaboration avec les forces de défense et de sécurité.

En prenant en compte les derniers évènements, on en est à 23 morts tous côtés confondus pour 5 attaques en 3 mois, depuis le mois de mars. Et ce décompte ne s’appuyant que sur des attaques relevées par la presse ne peuvent pas être exhaustives.

 

Allégeance à d’autres sectes

Quoi qu’il en soit, il est évident que les incursions sont redevenues récurrentes. Ce qui suscite tout de même des questions, sur ce qui peut avoir encore redonné du courage à une secte qu’on croyait affaiblie. La légère accalmie observée n’aurait-elle été qu’un repli tactique ?Il faut déjà noter qu’a ses tout débuts, la secte s’appelait juste Boko Haram, un vocable en langue arabe qui signifie en français l’éducation occidentale est un péché. L’on n’a jamais su exactement ce que cette secte réclame au Cameroun, contrairement aux séparatistes anglophones dont les revendications sont bien connues. Et ce caractère mystérieux des revendications en rajoute à la nébuleuse, faisant du conflit ce que la science de la guerre appelle une guerre asymétrique, c’est-à-dire une guerre dans laquelle l’ennemi n’est ni identifié clairement ni localisé, il est partout et nulle part à la fois et agit par effet surprise.

 

Avec le temps et des coups reçus, la secte s’est rapprochée de l’idéologie de Al- Qaïda au Maghreb islamique, avant de faire allégeance depuis le 7 mars 2015 à l’Etat islamique, un autre groupe reconnu de terrorisme par l’Onu.

Depuis lors elle a pris le nom d’Etat islamique en Afrique de l’Ouest, opérant sur les territoires du Nigéria, du Niger, du Tchad et du Cameroun. Cette fusion aurait imposé à la secte une nouvelle réorganisation et la mise sur pied de nouvelles techniques d’attaques, d’où les moyens logistiques et l’arsenal utilisé à Darak dans la nuit du 9 juin 2019.

 

Relâchement

Entre temps le gouvernement aurait baissé la garde, ou se disait déjà qu’il a réussi à faire reculer l’ennemi. Dans le même temps les différentes aides militaires et logistiques ont été réduites. Et C’est tout confiant que le 30 novembre 2018, le président Paul Biya a créé par le décret 2018/779 le Comité national de désarmement, de démobilisation et de réintégration (CNDDR) en vue de superviser et de gérer le désarmement et la réintégration des ex-combattants de la secte ainsi que des séparatistes armés dans les régions anglophones du pays.

Mais tout laisse croire que le pouvoir de Yaoundé est allé trop vite en besogne, la situation est loin d’être maitrisée, et ce malgré des efforts fournis et des sacrifices consentis même par le citoyen lambda à l’intérieur du pays à travers l’opération effort de guerre, et les partenaires bilatéraux à l’extérieur.

 

A suivre

Roland TSAPI