Dans une note circulaire signée du 22 mars 2019, Manaouda Malachie demande aux responsables des formations sanitaires publiques de libérer ce qu’il appelle otages. « J’ai l’honneur de proscrire, pour compter de la date de signature de la présente lettre, la séquestration des patients indigents dans les formations sanitaires publiques », écrit-il. Il déplore cette situation qui d’après lui, cadre mal avec l’ambition d’humanisation des soins et de justice sociale. Sept jours après la signature de cette note, l’hôpital gynéco obstétrique de Yassa s’entête encore à ne pas respecter les ordres.
A l’un des étages du pavillon hospitalisation, dans une salle disposant d’à peine quatre lits et dénués de tout moustiquaire, Mme Obama Tsoungui Scolastique tient entre ses mains son bébé d’un mois et demi. Ayant accouchée par césarienne depuis le 15 février 2019, elle devrait en principe être déjà en famille. Son mari qui l’assiste depuis lors explique : « ma femme a commencé ses visites prénatales à Edéa où nous habitons. A quelques jours de l’accouchement, on nous a recommandé l’hôpital gynéco de Yassa car sa grossesse était à risque. Rendue le 15 février dans cet hôpital, elle a accouché d’un garçon par césarienne. Après son accouchement la facture dressée était au-dessus de nos moyens, ne disposant de cette somme, nous avons demandé un moratoire qui nous a été refusé. » Le couple est ainsi retenu depuis lors pour un reliquat de 432 683frs. Sur sa facture d’avance signée le 22 février 2019, il est mentionné « sortie non autorisée. »
Dans cette situation, le couple n’est pas seul. Dans leur salle cet après-midi, Mme Tegeti Bibang Agnès Patience, est venue bavarder avec eux. Elle est retenue dans une salle à coté baptisée « hébergement » avec deux autres patientes. Sa facture s’élève à plus d’un million de Frs. Après avoir avancé 325.000 frs, elle se trouve dans l’incapacité d’éponger le reste. Elle se trouve là depuis le 22 février 2019, elle avait donné naissance à son bébé dans un autre hôpital de la place, mais le nouveau-né avait besoin d’oxygène pour survivre, et elle a été transférée ici pour les soins appropriés. Le coût s’est avéré largement au-dessus de ses moyens, elle se trouve donc prisonnière.
Ces cas ne devraient pourtant plus exister après la visite surprise le 25 février 2019 du ministre de la Santé Publique. A cette occasion, Manaouda Malachie avait instruit de libérer tous les patients qui se trouvaient dans ce cas.
Mise au parfum de cette situation, une équipe de l’ONG Un Monde Avenir s’est rendue sur les lieux le 27 mars 2019 pour confirmer la véracité des faits. Mais sa tentative de rencontrer le directeur a été vaine, ce dernier étant absent. Un membre de son secrétariat nous a cependant confié qu’aucun cas du genre ne se trouvait encore dans cet hôpital. Mais ces « otages » existent bel et bien ici, malgré la note du ministre.
Aïchetou MAKOUET