Dans une lettre adressée aux membres de la Chambre basse au lendemain de leur entrée en session, l’organisation non gouvernementale les interpelle sur la nécessité d’instaurer un véritable cadre de dialogue inclusif avant toutes élections. Pour l’Ong, organiser les élections dans un cadre juridique électoral conflictogène et de la crise sociale dans les régions anglophones, est totalement inopportune.

 Ci-dessous l’intégralité de la lettre.

                   Douala, le 07 Juin 2019

A l’Assemblée Nationale du Cameroun

 

 

 

 

Objet : prise en compte des situations de crises sociales au Cameroun

 

Honorables membres de l’Assemblée Nationale

Au moment où vous vous préparez pour l’ouverture de la deuxième session ordinaire du parlement prévue le 10 juin 2019, le pays traverse une situation particulière jamais connue ces quarante dernières années avec ;

  • Les régions de l’Adamaoua, du Nord et de l’Extrême Nord, aux prises avec des attaques meurtrières de Boko Haram et les enlèvements répétitifs par des groupes non identifiés.
  • Les régions du Sud-Ouest et du Nord-Ouest engluées dans une crise interminable touchant les régions du Littoral et de l’Ouest, et qui a déjà fait des milliers de morts ; plusieurs dizaines de milliers de réfugiés et des centaines de milliers de déplacés internes. Ainsi que des centaines de détenus, certains jugés au tribunal militaire en violation des Principes et directives sur le droit à un procès équitable et à l’assistance judiciaire en Afrique adoptés du 15 au 28 novembre 2007 à Niamey au Niger à l’issue de la 33e session ordinaire de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP)
  • La région de l’Est qui subit les effets collatéraux du conflit armé en République centrafricaine
  • L’étranglement des libertés publiques qui se caractérise par les interdictions quasi systématiques des réunions et manifestations pacifiques, initiées par les partis politiques de l’opposition et les organisations de la société civile.    
  • La crise postélectorale persistante depuis la proclamation des résultats de l’élection présidentielle du 07 octobre 2018, qui a vu à ce jour, toute la direction d’un parti politique légal, le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun, avec ses alliés politiques, cadres, militants et sympathisants embastillés dans les prisons de Yaoundé, Douala, Bafoussam, Dschang, Nkongsamba.

Depuis le mois de janvier 2019, les déclarations de manifestation publique des partis politiques de l’opposition et certaines ONG, rencontrent quasi-systématiquement une fin de non-recevoir de la part des sous-préfets. 

A ce jour, près de 400 Camerounais sont derrière les barreaux, juste pour avoir voulu jouir d’un droit reconnu et protégé par la constitution du Cameroun dont le Préambule prescrit pourtant assez clairement que :

  • “Nul ne peut être inquiété en raison de ses origines, de ses opinions ou croyance en matière religieuse, philosophique ou politique sous réserve du respect de l’ordre public et des bonnes mœurs »
  •  « La liberté de communication, la liberté d’expression, la liberté de presse, la liberté de réunion, la liberté d’association, la liberté syndicale et le droit de grève sont garantis dans les conditions fixées par la loi » ;
  • « L’Etat garantit à tous les citoyens de l’un et de l’autre sexe, les droits et libertés énumérés au préambule de la Constitution »

Honorables Députés,

Les réponses apportées à toutes ces crises par le gouvernement se sont avérées inefficaces sinon contre-productives jusqu’ici.

Pour la crise dite anglophone à elle seule, c’est :

  • Plus de deux millions de personnes en souffrance ;
  • Des milliers d’enfants déscolarisés ;
  • Près de deux milles personnes ayant perdu leur vie ;
  • De milliers d’emplois perdus ;
  • Plus de 300 milliards FCFA de manque à gagner pour l’économie nationale.

Bref un tissu culturel, social et économique totalement déstructuré

Honorables Députés,

Le président de la république vient de décider par voie d’ordonnance, une rallonge budgétaire relevant la ligne prévue pour l’organisation des élections.

Au-delà des interrogations suscitées par cette ordonnance, l’ONG Un Monde Avenir et ses partenaires associatifs soutiennent que la tenue d’une élection dans l’état actuel d’un cadre juridique électoral conflictogène et de la situation de crise sociale dans les régions anglophones, est totalement inopportune.

L’ONG Un Monde Avenir et ses partenaires associatifs vous exhortent d’inscrire en priorité la crise dite anglophone à l’ordre du jour de vos débats pour cette session, ainsi que la crise postélectorale et ses effets sur les libertés publiques au Cameroun.

Honorables députés,

Représentants du peuple de notre pays gravement éprouvé dans ses fondations, vous avez dès le 10 juin prochain, une énième occasion de jouer pleinement votre rôle de contrôle de l’action gouvernementale tel que prévu par l’article 14 de la Constitution qui, à l’alinéa 2,  dispose que « le Parlement légifère et contrôle l’action du Gouvernement. »

L’ONG Un Monde Avenir et ses partenaires associatifs vous incitent patriotiquement de prendre une résolution ferme pour l’instauration d’un véritable cadre de dialogue inclusif et sans sujet tabou. Vous aurez alors marqué l’histoire du Cameroun d’une empreinte indélébile, en contribuant à la reconstruction d’une société camerounaise en proie à un tissu social déchiré par des crises diverses.

 

 

Le Coordonnateur

Philippe NANGA