L’entrée Est de la ville de Douala reste encore et toujours sinon la honte de la capitale économique, du moins l’une des principales plaies puantes qui entache le séjour record de Fritz Ntonè Ntonè à la tête de la communauté urbaine de Douala.

Sortir de la capitale économique ou y entrer de ce côté est en effet un véritable calvaire qui devient de plus en plus dur à supporter pour les usagers, depuis les retours des pluies. Aussi incompréhensible que cela puisse être, un usager peut mettre trois heures de temps pour aller de Yaoundé à Yassa soit 210 km, et mettre deux heures sinon plus à parcourir les 30 derniers kilomètres pour atteindre le centre-ville. Le chemin de croix commence effectivement au niveau de Yassa jusqu’au lieu-dit borne 10, ce tronçon étant en travaux dans le cadre du prolongement de cet entrée jusqu’à la Dibamba.

Axe Nyalla, seule voie de secours

Mais ce n’est pas à cause de ces travaux que l’embouteillage est devenu monstrueux, puisque ce n’est pas seulement au Cameroun qu’on fait des travaux sur une route déjà utilisée, c’est simplement parce que la seule voie de contournement qui passe par Nyalla est devenu impraticable, aucun usager n’ose plus s’y aventurer. Passe que cela soit une aberration que l’entrée d’une capitale économique soit si pauvre en voie d’accès venant de la capitale politique, conséquence de l’absence de prévision, mais il reste encore incompréhensible que cette unique voie par Nyalla en arrive être à l’abandon faute d’entretien.

Le problème de cette route n’est pourtant pas inconnu du premier magistrat de la ville, le délégué du gouvernement auprès de la Communauté Urbaine Fritz Ntonè Ntonè, encore moins du ministre de l’habitat et du développement urbain. La dégradation date d’au moins quatre ans, et surtout les travaux sur la pénétrante Est sont planifiées depuis plus longtemps encore. Ce qui aurait logiquement poussé les gestionnaires de la ville à prévoir que l’axe Nyalla qui sera l’unique voie de secours ne devait souffrir de rien, afin que les usagers ne souffrent pas non plus en cas de rétrécissement de l’axe principal par les engins de travaux. Mais la Communauté urbaine a laissé la situation pourrir, comme partout ailleurs, en faisant semblant de se réveiller de temps en temps et donner l’impression d’en être préoccupée. Ce fut le cas il y a un an exactement.

Fausses annonces

En début du mois de mai 2018, Fritz Ntonè Ntonè a signé et rendu public un communiqué dont voici la teneur : « Il est porté à la connaissance des populations de Douala et ses environs qu’à compter du samedi 19 mai jusqu’au vendredi 15 juin 2018, la circulation sur la voie NYALLA CHATEAU jusqu’à NYALLA RAILS sera complètement interrompue de lundi à samedi entre 7h et 17h.A cet effet, une voie de déviation réservée exclusivement aux véhicules de tourisme a été aménagée un peu avant la montée amorçant le carrefour Château pour ressortir vers le poste de police avant le passage à niveau. Pour plus de sécurité et pour éviter les gros embouteillages, il est recommandé de passer dorénavant par la voie YASSA NDOGPASSI dans la journée.»

Avec triomphalisme, il avait été expliqué à la population que ce tronçon sera fermé pour travaux. Mais en prenant du recul aujourd’hui il est évident que cette annonce n’était autre chose qu’une promesse de campagne, en prélude à la présidentielle qui s’annonçait 5 mois plus tard au mois d’octobre 2018. 10 mois après cette annonce, Célestine Ketcha Kourtès nouvellement nommée au ministère de l’Habitat et du développement urbain était à Douala pour visiter les routes urbaines. De passage sur ce chantier, elle n’avait eu que ses larmes de bonne femme sensible pour pleurer.Elle s’était entendue dire par le responsable technique du maître d’œuvre que l’avancement physique des travaux de ce tronçon était de 59% pour une facturation de 55%, que l’entreprise avait perçu 20% avant le démarrage, et un décompte de 5% payé.

Travaux à reculons

Le 12 mars 2019, un mois plus tard et 11 mois après le communiqué, une délégation des grands conseillers de la Communauté urbaine est descendue sur les lieux, dans le cadre d’une inspection des grands chantiers effectuée par l’institution, parmi lesquels les travaux d’aménagement des voiries autour du stade de Japoma. Ntonè Ntonè qui était de la partie avait déclaré à la presse qu’en tant que Délégué du gouvernement, il était là comme quelqu’un qui subissait un contrôle, le conseil de la communauté consacré à l’examen du compte administratif et de gestion devant se tenir bientôt.Et il avait été annoncé à l’issue de la visite, que le taux d’avancement des travaux, sur cette route de près de 3 kilomètres était de 53%, soit la réalisation de la couche de fondation en pouzzolane et la couche de base en gravier concassé. On constate déjà que l’avancement des travaux était même passé de 59% en février lors du passage du ministre à 53% lors de la descente des grands conseillers, pas étonnant que la chute ait continué pour qu’on soit aujourd’hui à un niveau en dessous de zéro, car les riverains sont unanimes qu’ils étaient mieux avant ces travaux, la route n’était pas complètement impraticable comme elle l’est aujourd’hui.

Comment en arrive-t-on encore à cet état de chose qui frise l’impréparation, l’imprévision et l’amateurisme dans la gestion d’une cité aussi importante que la capitale économique d’un pays, comment les gestionnaires de la ville arrivent à dormir avec ces routes sensibles qui se dégradent d’année en année, comment toute une ville, tout un département, toute une région, tout un pays peut laisser prospérer cet état de chose à l’entrée d’une capitale économique en provenance de la capitale politique ?

L’ingénieur agronome français René Dumont idéologue de la colonisation disait que l’Afrique noire est mal partie, mais l’on peut constater que le Cameroun, qui est l’Afrique en miniature, n’a même pas encore pris le départ, au contraire il s’enfonce chaque jour un peu plus, et risque de s’arrêter comme cette route de Nyalla.

Roland TSAPI